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L’histoire Mérengoise

D 16 mars 2007     A    


A quelle date les premiers hommes se sont installés à Mérens ? La question reste posée en l’absence de données archéologiques fiables. Mais on peut estimer l’arrivée des premiers hommes vers – 3000 av JC, bien après la grande période des grottes de Niaux et de La Vache où les glaciers recouvraient d’une épaisse calotte les vallées et les plateaux d’altitude. Ces premiers bergers ne connaissaient pas les frontières et se sont installés indifféremment sur le versant Nord et Sud des Pyrénées.

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Les hautes estives naturellement dépourvues de forêts ont été les premières utilisées et le domaine pastoral n’a cessé de s’agrandir jusqu’au Moyen Age. Ces premiers bergers étaient des pasteurs nomades (éleveurs de moutons), venant du piémont pyrénéen pour profiter des hauts pâturages. Ils y trouvaient l’herbe rase pour leurs brebis et de meilleures facilités de gardiennage face aux loups et aux ours. Cette utilisation des hautes estives est accompagnée de l’ouverture de clairières pastorales et défrichement dans la pinède à crochet.

Le site du village a été certainement, dès le début, une étape dans cette transhumance entre la plaine et les estives et ce n’est que progressivement que les pasteurs vont se sédentariser, jusqu’au Moyen Age au niveau du village d’en haut. Ainsi, il reste des zones d’ombre sur les premiers habitants de Mérens, il en est de même pour l’origine du nom du village. Il existe deux hypothèses.

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La première celtique et romaine. Mérens signifierait « puissance de Mars », en hommage au dieu romain, dans ce pays frontalier. Mais méfions nous des interprétations des érudits du 19ème siècle, les Pyrénées n’avaient pas encore le statut de frontalière ! Les romains étaient installés au bord de la Méditerranée et les celtes - ibères occupaient la montagne de parts et d’autres des Pyrénées.

La seconde plus plausible est d’origine wisigoth et indiquerait le domaine d’un homme appelé Méris ou Méric. On retrouve d’ailleurs un lieu nommé le Prat de Méric. Cette hypothèse est certainement la plus probable compte tenu de la durée de cette occupation.

Profonde ou pas, la romanisation, en imposant une même civilisation de parts et d’autres des Pyrénées, consolida encore les liens millénaires qui unissaient les deux versants. Les lieux de passage en amont de Mérens sont donc nombreux et ont facilité les relations avec la Catalogne et l’Andorre. Voici comment étaient décrits les cols au dessus de Mérens menant en Cerdagne et en Andorre au 19ème siècle. Port de Puymorens : « il est très mauvais pour les chevaux mais les bêtes de charge du pays y sont accoutumées et y passent journellement » Port de Mérens ou de la Péruzel (sans doute Port Dret, en Andorre) : « praticable pour les chevaux mais à pied seulement quand il y a de la neige ; il est plus fréquenté en hiver que celui de Fraymiquel (Envalira) parce que plus ouvert aux tourbillons » (AX-Soldeu : 9 heures). Et pourtant, le passage fut incessant, celui des voyageurs, des marchands et du bétail par les voies les moins difficiles,…celui des contrebandiers, des bandits et poursuivis de toutes sortes par les ports moins accessibles. C’est la modernisation des véhicules et la construction des grandes routes puis du chemin de fer qui concentrèrent le trafic sur les axes les plus aisés : le Puymorens et Envalira. Ceux à l’écart étaient empruntés pour éviter la loi, les persécutions et faire passer les bêtes et les bergers.

Revenons à nos premiers mérengois, c’est certainement à l’époque romane (début du moyen age) que le village prie un réel essor, coïncidant avec la première trace écrite sur Mérens (960 ap JC). Le noyau historique du village est le « village d’en haut » (quartier de Vives). On y retrouve, naturellement l’église romane, véritable témoignage de la puissance du village avec une population déjà importante. Mérens aurait d’ailleurs en 1390, 64 feux soit une population présumée d’environ 288 habitants. Cette situation en hauteur était défensive, le fond de vallée étant peu sûr. Le chemin d’accès était barré par un château (lieu-dit Encastel) construit vers le 10ème siècle et détruit vers 1638 sur ordre de Louis XIII. Le village a glissé vers le fond de vallée au 18ème et au début du 19ème quittant son site défensif et s’installant le long de la route royale, future RN 20. Le peuplement de Mérens atteindra son maximum vers 1850 avec plus de 800 habitants.

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L’église romane Saint-Pierre date du Xème siècle comme l’atteste un acte de donation de 994, en faveur de l’abbaye de Lagrasse (Aude). Tout en s’incluant dans le grand courant du premier art roman méridional, cet édifice s’apparente beaucoup plus à ses proches sœurs andorranes (Pal, Canillo) qu’à ses voisines du Comté de Foix. Ce qui met en relief la force des échanges commerciaux et culturels de parts et d’autres des Pyrénées.

Mérens faisait partie, du 10ème au 13ème siècle, du Comté de Cerdagne avant d’intégrer le Comté de Foix. « C’est bien en Catalogne qu’il faut situer le foyer primitif de l’art roman, d’un art qui par la suite…devait multiplier ses chefs d’œuvre dans tout l’espace catalan, en même temps qu’il se propageait dans l’Occident tout entier ». L’église, faite de pierres et merveilleusement intégrée au cadre naturel et minéral des Pyrénées, gardera son aspect intacte jusqu’en 1811. Quand des soldats irréguliers espagnols, les miquelets, dévastèrent les villages en réaction aux exactions des troupes napoléoniennes en Espagne.

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Jusqu’au IX ième, jamais les Pyrénées ne furent une frontière. Cette réalité trouve son expression dans nos langues (languedocien et catalan) et nos traditions. La parenté entre le catalan et occitan languedocien est plus frappante qu’avec le gascon. Du temps des troubadours, le gascon était considéré comme une langue étrangère alors que les poètes catalans s’intégrèrent sans mal à ce grand mouvement littéraire du midi de la France. Cela était pareil pour le petit peuple, les bergers de Montaillou et Mérens partaient en transhumance en Catalogne et n’avaient aucune difficulté à comprendre et se faire comprendre. Cette parenté linguistique fut un facteur d’étroites communications permanentes : bergers transhumants, migrants saisonniers, marchands. Dans ce mouvement, les familles seigneuriales aux domaines transpyrénéens et aux alliances multiples entretinrent la communauté linguistique. Cette communauté tend à disparaître surtout en France depuis l’école obligatoire et le français obligatoire.

Cette parenté se matérialise dans l’architecture des habitations. A Mérens et en Andorre, la maison bloc catalane s’est imposée. A plusieurs étages, elle permettait de remédier à la faiblesse de la superficie utilisable compte tenu de la pente et des contraintes d’orientation. L’activité économique de la vallée de Mérens s’est concentrée sur le pastoralisme et l’industrie du fer, du bas moyen âge au début du 20ème siècle.

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La vacherie de Mérens est devenue au 19ème siècle, une des plus importante de la Haute Ariège. Les forges à la catalane, au nombre de 4 dans la vallée de Mérens ont eu également un rôle important. L’activité pastorale et la métallurgie se sont trouvées aux mêmes moments complémentaires quant aux effets sur la destruction des forêts. On a défriché pour le charbonnage et les troupeaux ont entretenu cela en rasant tout ce qui pouvait repousser. Autrefois alimentées par la mine de fer du Puymorens, les forges de la vallée et notamment celle de Mérens et l’Hospitalet ont été abandonnées faute d’affouage. L’état du couvert forestier au 19ème siècle restait très proche de celui des 17ème et 18ème siècles. Avec l’arrêt des forges et le début de l’exode rural, la pression sur la forêt diminue notablement dans les dernières décennies du 19ème siècle et le début du 20ème. Comme dans l’ensemble de la Haute Ariège, la haute vallée était le pays des grands troupeaux qui regroupaient presque tout le bétail des communes de Mérens et de l’Hospitalet ou séparément mais toujours dans le cadre communal. L’élevage bovin restait primordial dans l’économie montagnarde. A l’époque où le cheptel était le plus important, la partition du troupeau en deux a été nécessaire. Ainsi la municipalité de Mérens en 1846 pour éviter une surcharge sur la Soulane d’Andorre, obligeait un quart de la vacherie à aller paître dans la vallée des Bézines. Ainsi l’organisation est assez complexe et les communes de Mérens et de l’Hospitalet possèdent une « commission de la vacherie » au sein du conseil municipal qui règle les conditions de montée et de descente du troupeau, s’occupe de l’achat ou de la location du taureau que l’on joint l’été à la vacherie. Le choix du vacher dépend aussi de cette commission. Tous ces frais d’exploitation, auquel il faut ajouter le montant du bail de location de la Soulane d’Andorre, sont couverts par une taxe de pacage que paient tous les éleveurs, y compris ce qui n’envoient pas leurs vaches dans le troupeau commun. La question du pâtre était évidemment importante. La vacherie réunie de Mérens et de l’Hospitalet constituait une des plus grosses de l’Ariège : un document sans date conservé aux Archives Départementales de l’Ariège, fait état de 1000 bêtes à cornes envoyées à la Soulane par les 2 communes. Au regard de l’histoire des estives et de leur utilisation, on a pu se rendre compte de l’importance de la charge de bestiaux sur les pâturages mérengois et hospitalois. Faiblement peuplées et possédant de vastes estives, les montagnes de l’Hospitalet et de Mérens étaient l’objet de bien des convoitises. Les deux communes n’ont pu tout garder pour elles. C’est leur recul, qu’expriment les limites communales qui ne tiennent pas compte de la limite des bassins versants.

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